La réaction égocentrique du Moi.
Durant toute notre croissance jusqu’à l’âge adulte, notre Moi s’est construit, s’est structuré.
Nous savons combien sa maîtrise est relative, comment l’inconscient affectif, en sous-main, est capable de limiter le champ de notre attention et la part qu’il peut prendre dans nos réactions et nos décisions.
Dans cette situation incertaine, le Moi peut être tenté de prendre une position défensive. Cette tentation est d’autant plus grande que notre histoire personnelle aura rendu incomplète la constitution d’un Moi bien organisé.
Parce qu’il est confiant dans sa capacité de se rétablir, un Moi solide ne craint pas d’être déstabilisé. Il est souple. Tandis qu’un Moi anxieux pourra être tenté de se raidir et de rejeter ce qui pourrait monter de déstabilisant du tréfonds de l’être : l’émotionnel, le pulsionnel, le viscéral. Il a tendance à s’identifier trop exclusivement à la volonté et à la clarté de la conscience, à sa capacité de contrôle, à l’objectivité et à la rationalité.
Un Moi anxieux peut être amené à séparer radicalement pour les opposer ce qui est en haut, qui lui apparaît lumineux, enthousiasmant, et ce qui est en bas, qui lui semble obscur, qui pourrait être troublant ou comme un sable mouvant, aspirant.
Cette coupure peut le conduire à se lancer à la conquête de valeurs trop abstraites et à opposer l’esprit et le corps.
Cette séparation peut lui donner une impression exaltante de pureté, de maîtrise, d’élévation, peut-être même de supériorité, d’être à part, d’être élu.
Mais cette division le coupe de son être le plus profond et le prive de fondation, elle le fragilise.
L’homme ne souffre pas seulement de désirs insatisfaits, il souffre aussi de la séparation d’avec son être le plus profond.
Tant qu’il n’a pas retrouvé ce lien, il est habité par la nostalgie.